Le forum de la randonnée légère ou ultra-légère !

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Bienvenue, ce forum est né le 24 janvier 2005 et son but est d'offrir un espace de discussion sur la randonnée légère .
Que vous soyez pro ou contre le concept de la rando légère, débutant ou expert, exprimez vous et que tout le monde en profite !
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#1 2005-06-02 12:56:17

laurent
Passionné de rando légère
Lieu: Citoyen du monde né à Dakar
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laurent bavella

http://arts.net.free.fr/images/laurent_bavella_01.jpg


Laurent Bavella

citoyen du monde
né à Dakar en 1969

gardien en 3x8 (dur, dur...) et poète, peintre, photographe

je vis à Montreuil-City, France, 93

Pays:
Sénégal, Madagascar, Algérie (enfance)
La Butte aux Cailles (Paris 13ème), la Loire (ma grand-mère d'âme)
L'Ecosse(magique), La Belgique, la Corse, l'Afrique du Sud
Le kalahari, les Sans... mes frères

http://enfanceart.free.fr/bavella_paris_ville_lumiere_vignette.jpg
"Paris, ville lumière" : mon plus beau voyage au coin d'une rue... quelquefois il suffit de se promener près de chez soi...

Marcher:
j'ai toujours aimé marcher, seul ou avec mes amis avec qui je ne me suis jamais senti aussi bien que dans ce mouvement naturel
Rimbaud, Reverdy...

Rando à venir : la Corse, cet été, 3 semaines
Bonifaccio - Quenza - Bavella - les cerfs en liberté (je me suis occupé de leurs "parents" il y a 14 ans !) - retrouvailles avec des agents du Parc - marche - solitude - jusqu'au Cap corse...

Attentes :
avoir des infos sur les randos en Corse en dehors du GR20 (je transmets aussi les miennes)

http://arts.net.free.fr/images/laurent_bavella_pi_948_max_.jpg

Max dort à la belle étoile...
Alors il court avec les papillons
Danse avec les abeilles
Vole avec les libellules !
...

© Laurent Bavella


Poèmes :

Chemin tournant

IL y a un terrible gris de poussière dans le temps
Un vent du sud avec de fortes ailes
Les échos sourds de l'eau dans le soir chavirant
Et dans la nuit mouillée qui jaillit du tournant
    des voix rugueuses qui se plaignent
Un goût de cendre sur la langue
Un bruit d'orgue dans les sentiers
Le navire du coeur qui tangue
Tous les désastres du métier

Quand les feux du désert s'éteignent un à un
Quand les yeux sont mouillés comme
    des brins d'herbe
Quand la rosée descend les pieds nus sur les feuilles Le matin à peine levé
Il y a quelqu'un qui cherche
Une adresse perdue dans le chemin caché
Les astres dérouillés et les fleurs dégringolent
A travers les branches cassées
Et le ruisseau obscur essuie ses lèvres molles à peine décollées

Quand le pas du marcheur sur le cadran qui compte 
                               
règle le mouvement et pousse l'horizon
Tous les cris sont passés tous les temps se rencontrent                                                             

Et moi je marche au ciel les yeux dans les rayons
Il y a du bruit pour rien et des noms dans ma tête
Des visages vivants
        Tout ce qui s'est passé au monde
Et cette fête
    Où j'ai perdu mon temps

Pierre Reverdy

Edition Poésie Gallimard

extrait de "Sources du vent"



Reflux

Quand le sourire éclatant des façades déchire le décor fragile du matin ; quand l'horizon est encore plein du sommeil qui s'attarde, les rêves murmurant dans les ruisseaux des haies ; quand la nuit rassemble ses haillons pendus aux basses branches, je sors, je me prépare, je suis plus pâle et plus tremblant que cette page où aucun mot du sort n'était encore inscrit. Toute la distance de vous à moi - de la vie qui tressaille à la surface de la main au sourire mortel de l'amour sur sa fin - chancelle, déchirée. La distance parcourue d'une seule traite sans arrêt, dans les jours sans clarté et les nuits sans sommeil. Et, ce soir, je voudrais, d'un effort surhumain, secouer toute cette épaisseur de rouille - cette rouille affamée qui déforme mon coeur et me ronge les mains. Pourquoi rester si longtemps enseveli sous les décombres des jours et de la nuit, la poussière des ombres. Et pourquoi tant d'amour et pourquoi tant de haine. Un sang léger bouillonne à grandes vagues dans des vases de prix. Il court dans les fleuves du corps, donnant à la santé toutes les illusions de la victoire. Mais le voyageur exténué, ébloui, hypnotisé par les lueurs fascinantes des phares, dort debout, il ne résiste plus aux passes magnétiques de la mort. Ce soir je voudrais dépenser tout l'or de ma mémoire, déposer mes bagages trop lourds. Il n'y a plus devant mes yeux que le ciel nu, les murs de la prison qui enserrait ma tête, les pavés de la rue. Il faut remonter du plus bas de la mine, de la terre épaissie par l'humus du malheur, reprendre l'air dans les recoins les plus obscurs de la poitrine, pousser vers les hauteurs - où la glace étincelle de tous les feux croisés de l'incendie - où la neige ruisselle, le caractère dur, dans les tempêtes sans tendresse de l'égoïsme et les dérisions tranchantes de l'esprit.

Pierre Reverdy

extrait de "Ferraille"


Le poète:

"La poésie est à la vie ce qu'est le feu de bois. Elle en émane et la transforme."

http://www.chez.com/lyres/reverdy/biographReverdy.htm

http://www.chantiers.org/reverdy1.htm

citations souvent très justes : http://www.evene.fr/citations/auteur.php?ida=275


PS: Si vous connaissez de beaux poèmes ou citations sur la marche dans la nature ou ailleurs...
Envoyez-les nous, merci !

Dernière modification par laurent (2005-06-03 11:09:38)


Mes 29 jours de vagabondage en Corse sont sur le Trombinoscope... laurent bavella
Et que vos cœurs d'envolent comme des faucons !

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#2 2005-08-08 15:05:58

laurent
Passionné de rando légère
Lieu: Citoyen du monde né à Dakar
Date d'inscription: 2005-05-16
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Re: laurent bavella

Un p'tit bonjour à tous, Olivier, Peyo et tous les amis du forum !  smile
Je vous écris du cyber-café de Corte, Corsica !
J'ai presque terminé mes 29 jours de vagabondage tra mare e monti...
Beaucoup de choses mises en pratique de que j'ai appris sur le site,
et l'expérience avec, ma prochaine rando sera plus légère et profonde à la fois !
L'un va si bien avec l'autre...
Je vous raconterai bientôt...
Amicalement,
Laurent

PS: Bisous à Linda   roll

Dernière modification par laurent (2005-08-08 15:06:17)


Mes 29 jours de vagabondage en Corse sont sur le Trombinoscope... laurent bavella
Et que vos cœurs d'envolent comme des faucons !

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#3 2005-08-08 15:19:02

meo
Fana de rando légère
Lieu: Le Havre - Porte de l'Europe
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Re: laurent bavella

laurent a écrit:

J'ai presque terminé mes 29 jours de vagabondage tra mare e monti...

Superbe :-)

Beaucoup de choses mises en pratique de que j'ai appris sur le site,
et l'expérience avec, ma prochaine rando sera plus légère et profonde à la fois !

A bientôt, semelle de vent ;-)


Meo, du Havre

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#4 2005-08-08 16:23:51

Peyo
Manitou de la rando légère
Lieu: Marseille et le reste du monde
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Re: laurent bavella

Bien content pour toi! smile

Vivement que tu reviennes pour nous raconter ton expérience et comment tu as vécu cette aventure!

A bientôt alors! ta prose nous manque, fais attention à toi!


Pourquoi marcher léger ?
Mais parce que la Nature ne s'emcombre pas de futilités pour s'offrir à nous !

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#5 2005-08-08 18:47:19

Jérôme
Adepte de la rando légère
Lieu: la haut, sus las mountanhes
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Re: laurent bavella

Quelle aventure ! on attend de tes nouvelles...


la meilleure façon de marcher c'est de mettre un pied devant l'autre et de recommencer

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#6 2005-08-11 15:14:46

laurent
Passionné de rando légère
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Re: laurent bavella

Du cyber-café de Bastia... (très beau, vraiment)
Merci à tous pour ces messages amicaux... Cela me fait chaud au coeur !
J'aurai beaucoup de choses à dire comme vous pouvez l'imaginer !
Je n'étais jamais parti aussi longtemps dans la nature, ni avec un sac à dos... et mes retrouvailles avec la Corse ont été très fortes, surtout dans ces conditions idéales de simplicité et d'écoute...

Et sur la MUL cela a été une sacré expérience pratique... Vous allez bien rire !
Je viens de récupérer 5 ou 6 kg que j'avais planqués il y a quinze jours dans le maquis près de la ligne de chemin de fer pour être enfin à peu près au point à ce niveau ! (à peu près...)
Et j'aurais pu vagabonder encore des mois en enlevant encore quasiment chaque jours !

Amitié à tous et vos coeurs s'envolent comme des faucons !
Le mien s'est envolé quelque part vers les aiguilles de Bavella, avec une petite fée venue de l'autre côté des Alpes...


Mes 29 jours de vagabondage en Corse sont sur le Trombinoscope... laurent bavella
Et que vos cœurs d'envolent comme des faucons !

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#7 2005-08-11 15:21:39

Peyo
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Re: laurent bavella

coquin wink


Pourquoi marcher léger ?
Mais parce que la Nature ne s'emcombre pas de futilités pour s'offrir à nous !

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#8 2005-08-11 15:46:48

meo
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Re: laurent bavella

laurent a écrit:

Je viens de récupérer 5 ou 6 kg que j'avais planqués il y a quinze jours dans le maquis près de la ligne
de chemin de fer pour être enfin à peu près au point à ce niveau !

Ca me fait penser au gars qui a le record de la traversée du GR 20 en course à pied. Un modeste 37 h
et 7 mn. Il planquait du ravito sur le parcours :-)

http://perso.wanadoo.fr/jr.santoni/GR20/lucciani.htm

Dernière modification par meo (2005-08-11 15:47:19)


Meo, du Havre

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#9 2005-08-17 00:08:07

laurent
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Re: laurent bavella

Hello every body !
I am back ! In Montreuil-City by night !
Kisses for Linda and my brothers on the road... roll
and... see you soon...

          J'ai embrassé l'aube d'été.
    Rien ne bougeait encore au front des palais. L'eau était morte. Les camps d'ombres ne quittaient pas la route du bois. J'ai marché, réveillant les haleines vives et tièdes ; et les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit.
    La première entreprise fut, dans le sentier déjà empli de frais et blêmes éclats, une fleur qui me dit son nom.
    Je ris au wasserfall blond qui s'échevela à travers les sapins : à la cime argentée je reconnus la déesse.
     Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. À la grand'ville, elle fuyait parmi les clochers et les dômes ; et, courant, comme un mendiant sur les quais de marbre, je la chassais.
    En haut de la route, près d'un bois de lauriers, je l'ai entourée avec ses voiles amassés, et j'ai senti un peu son immense corps. L'aube et l'enfant tombèrent au bas du bois.
     Au réveil, il était midi.

         Arthur Rimbaud


Mes 29 jours de vagabondage en Corse sont sur le Trombinoscope... laurent bavella
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#10 2005-08-17 00:21:00

laurent
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Re: laurent bavella

Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;
Oh! là! là! que d'amours splendides j'ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
- Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques,
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !

Arthur Rimbaud

Dernière modification par laurent (2005-08-17 00:25:01)


Mes 29 jours de vagabondage en Corse sont sur le Trombinoscope... laurent bavella
Et que vos cœurs d'envolent comme des faucons !

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#11 2005-08-24 20:21:27

laurent
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Re: laurent bavella

http://enfanceart.free.fr/rando/laurent_bavella_corsica.jpg

Vagabondage en Corse
29 jours tra mare e monti


Première étape: le mulet retrouve son pays après 14 ans d'exil ; son pré est toujours aussi
beau, et il lui sourit en découvrant ses dents vertes. Sur son dos, un sac de 16 ou 17 kg... Il est lourd mais si heureux...


1er jour – Après un bref passage chez Mère Marseille (I call you next time Mr Peyo) par la belle Dame de la Garde, arrivée à Ajaccio. Une ville qui me déprime aussi vite que le regard vide et fier d'un homme qui se croit fort grâce à ses certitudes... D'où départ au plus vite pour Bonifacio en car. La route est longue et agile à souhait. 
Première nuit au camping le plus proche du port. Je le déconseille fortement, comme tous les campings proches du centre des villes en Corse. Ils sont chers, sales, saturés et l'accueil y est déplorable voire indécent. Ma décision a été d’éviter désormais ce type d’établissement qui me déprime autant (et d’une façon étonnement proche) que la ville balnéaire précitée.

2ème jour – J’aborde maintenant le sujet le plus épineux (et c’est le bon mot) de mon parcours en Corse cet été… Je tiens tout d’abord à insister sur le fait que le camping sauvage est interdit au sein du Parc Naturel Régional de Corse (on m’a parlé d’une amende de 100 euros, à vérifier), ainsi que sur la plupart des communes de l’île (c’est souvent affiché), mais certaines l’autorisent ou le tolèrent. Je pense que c’est une bonne chose, évidemment… Mais cela dit, mes finances, mes itinéraires volontairement chaotiques, mon amour et mon respect infinis pour la nature (une nature en Corse pour laquelle j’ai travaillé pendant 2 ans au Parc), et mes recherches intérieures m’ont imposé ce mode de vie que je n’ai pratiqué qu’en solitaire (et je pense qu’il n’a de sens que de cette façon en Corse) et avec un matériel aussi discret et respectueux qu’il était possible, je le pense (et j’avais longuement médité la chose auparavant…).
Le lendemain, une bonne marche le long du Golfu di San’Amanza puis à l’intérieur où j’ai eu très soif et assez peur d’en mourir… A ce propos il convient d’être très prudent quand on part dans le maquis surtout pendant l’été… une bonne carte et une réserve d’eau au minimum de 4 ou mieux 5 litres  sont indispensables… On se déshydrate très vite, mais heureusement il y a presque toujours une habitation isolée ou un passage providentiel pour vous secourir (car le portable fonctionne rarement en Corse dans l’intérieur, inutile de compter dessus…). Soyez très prudents…
Pour ma part je me suis fais très peur… J’ai été tellement traumatisé que j’ai marché ensuite pendant quelques jours avec deux bouteilles d’eau et une troisième vide dans mon tapis de sol au cas où ! Et je n’ai jamais autant aimé de ma vie ce breuvage aussi doux que les lèvres d’une femme qui vous soufflent dans le cou une petite brise humide…
Don le soir même j’ai bivouaqué à 2 km de la ville dans un petit coin de paradis que je ne dévoilerai à personne, comme ce sera le cas tout au long de cet exposé…
Il y a maintenant pratiquement partout en Corse de très beaux campings et des gîtes charmants. J’ai constaté qu’en 15 ans il y avait eu une réelle prise de conscience à ce niveau et le tourisme à l’intérieur y est beaucoup plus facile… Le réseau routier a aussi beaucoup progressé… Et on ne distribue plus gratuitement des sachets en plastique à gogo dans les grandes surfaces… Bravo Corsica ! (c’est unique je crois en Europe avec l’Irlande)

3ème jour – Excursion aux Iles Lavezzi. Sublimes, à ne pas manquer… C’est un bout du monde très particulier en Méditerranée… Un bivouac m’a tenté et aurait probablement été une expérience extraordinaire, mais il y a parait-il des rats énormes qui vous mangent les doigts de pieds pendant votre sommeil… Ils ont même leur petite île privée ("L'île aux rats") toute proche où leur taille approche pratiquement celle de ceux qui vivent près de Tchernobyle… C’est dire si… Alors là un bivouac y serait une belle aventure ! (a good idea for a stage Mr Peyo ?)
Retour dans mon p’tit coin d’paradis malheureusement sans l’eau courante (mais cela a été extrêmement rare je vous rassure !) où j’ai attendu en vain la pluie pendant la nuit pour pouvoir me doucher… Il faut malheureusement une sacrée pluie diluvienne pour cela…

4ème jour  – Stop jusqu’à Porto-Vecchio. 25 km sous un soleil de plomb avec mon sac de mulet… Un enfer qui dure bizarrement 6 ou 7 km. C’est la seule fois où j’ai attendu plus de 15 minutes en faisant du stop ; je vous conseille donc fortement ce merveilleux mode de locomotion que j’adore… Cela fonctionne parfaitement en Corse du moins quand on est seul ou en couple, d’autant que cela est passé de mode apparemment… Quel bonheur pour nous ! Chaque petit voyage en stop est toujours une belle émotion et un échange humain gratuit, simple et donc beau. J’en garde de merveilleux souvenirs. Et la marche sur le bitume l’été en Corse est je trouve parfaitement insupportable et très dangereuse… Le stop est donc indispensable quand on doit y passer par là entre deux sentiers…
Sur cet enfer un couple d’italiens me font progresser de 3 km, puis une petite fée de la même origine m’emmène à Porto-Vecchio. Je pensais que j’allais dormir près de la route pendant la nuit… 25 km de bitume sans ombre, cela fait beaucoup pour le corps et pour le moral… Et avec mon sac de mulet je n’avais aucune chance de le faire en une seule fois.


         *


Deuxième étape : la petite fée transforme par enchantement le mulet en mule légère et insouciante, et l’accompagne pendant une semaine dans les montagnes du sud de la Corse… La vie peut s’illuminer aux moments les plus difficiles… Il suffit de continuer à croire aux petites fées quoiqu’il arrive !

Itinéraire sur 3 jours que je vous conseille vivement – Nous sommes partis du Col de Bavella avec des sacs légers ne comportant que le stricte nécessaire après un tri soigneux… (thanks Olivier, Peyo & Co…)

Marche jusqu’au merveilleux refuge de Paliri par le GR20. Avant d’arriver on peut lire de petits messages chargés d’amour et des poèmes colorés en corse. Le refuge de Paliri ne ressemble à aucun autre refuge sur le GR20. C’est un terrain sacré, comme les indiens en avaient dans les temps jadis. On l’approche et on l’attend comme des enfants émerveillés. Il y a une source et une douche qui vous accueillent comme une grand-mère dans sa cuisine de mille saveurs. Devant le refuge il y a de beaux livres sur une petite table de chêne vert. Le lieu est chargé d’une lumière orangée. L’air est plein et dense comme le souffle du désert. On se sent étrangement bien. J’ai rarement eu l’impression de respirer aussi lentement et profondément. Calmement, comme un bébé qui dort sous un arbre. Le bivouac est majestueux et les vues tout autour sont magiques. Devant le petit refuge une bonne tisane fumante attend sur une table. Une voix douce berce l’espace avec une réelle humilité. L’indien nous parle de la nature aux alentours, des plantes, des animaux, des balades qu’on peut y faire. On a envie de rester une semaine ou un mois. Il me dit qu’il viendra nous réveiller s’il voit un de ses amis sangliers cette nuit… Un maman mouflonne et son petit s’approchent du refuge à la tombée de la nuit. D’après lui elle a dû y naître il y a quelques années… Je me promets de revenir aussi. Ne manquez pas le Refuge de Paliri et son ange gardien…
Ma petite fée et moi avons décidé de dormir à la belle étoile. Très tôt je l’ai réveillée tout doucement. Nous avons grimpé les rochers à l’est pour aller voir se lever le soleil sur la mer. L’eau et la lumière ont rougi nos yeux. En Corse on peut ainsi arrêter la marche du temps...
Quand nous avons repris la route l’indien jouait à la flûte un air tendre et grave. Merci à lui. Il est rassurant de savoir que ce lieu et que cet être humain existent dans ce monde…

Retour au col de Bavella puis traversée des aiguilles de Bavella par la variante alpine. Somptueux, inquiétant parfois. Attention au balisage qui est souvent très discret… Prendre son temps. Même les petites fées peuvent se perdre ; c’est dire si le lieu est habité par des forces magiques !
Nuit au refuge d’Asinao. Le gardien est un bon vivant plein d’humour. Il a un vieux chien (le vrai chien corse dit-il ! Demandez-lui pourquoi...), un tout petit chat (dont le collier est une vieille ficelle harmonieuse) et quatre chevaux qui rentrent au refuge pour la nuit ! Au bivouac nous les avons entendus passer près de notre tente de leurs pas lourds mais sûrs ! Le refuge d'Asinao est parfaitement gardé la nuit !

Lendemain matin. Ascension sans nos sacs pour l’Incudine (Alcudina en corse), le sommet de la Corse du sud (2134 m) ; la vue est grandiose sur 360 °…
Retour par le GR20 au col de Bavella ; c’est très long mais indispensable quand on tombe amoureux des aiguilles… Du dessous elles sont magnifiques. Il y a de nombreuses sources sur le parcours, si on veut s’arrêter un peu… surtout en couple ! C’est une région habitée par les esprits, comme beaucoup d’autres en Corse… Les pins géants tordus par le vent sont époustouflants dans ce massif. Leurs racines énormes sont comme les tentacules de calmars géants qui se sont battus à mort avec les rochers… Une lutte aussi grandiose que celle des cachalots au fond des océans ! D’ailleurs ces arbres incroyables ressemblent beaucoup à ces grands mammifères marins ! Je pense qu’il y a beaucoup de correspondances entre les arbres et les grands animaux sur terre…

Jours suivants – Serra di Scopamène. Un beau camping de Montagne. Calme et frais le soir que je vous conseille.
Entretien avec Jean-Paul Rocca Serra, responsable des randonnées en Corse du sud au Parc avec qui j’avais travaillé il y a 14 ans et maire de Serra, un homme important dans la région ! Il nous donne des conseils et nous annonce un beau projet culturel et écologique pour l’avenir : des parcours vont être mis en place sur le plateau du Coscione avec des panneaux sur la faune et la flore… A suivre… Vous pouvez appeler le service randonnées à Ajaccio ou mieux la mairie de Serra ! A noter que près du camping il y a un beau centre équestre. Les balades sur le Coscione doivent être sublimes…

La chapelle Sainte Marie de l’an mille à l’entrée de Quenza est un cocon de spiritualité duquel on sort léger comme le vol d’une libellule. Ne la manquez pas... C'est une des plus anciennes en Corse.

Quenza. Retrouvailles émouvantes avec le village où j'ai eu la chance de vivre deux ans quand j'avais vingt ans. Une grande expérience dans ma vie...
Un accueil chaleureux de Mme Orsatti qui m'avait hébergé, sa fille, son mari et leurs deux enfants. L’hospitalité corse. Le gardien du parc à cerfs Jérôme Pietri a été fier de me montrer des bois extraordinaires et les photos de ses protégés depuis plus de 20 ans... La réintroduction de l’espèce est un grand succès. Plusieurs régions en Corse où ils gambadent en liberté (plus d’une centaine) et trois parcs qu’ils gardent par sécurité… Pratiquement aucun braconnage.  Les consciences ont évolué.

Il ne faut pas manquer le plateau du Coscione quand on vient en Corse du sud… C’est un lieu magique et majestueux. Une route puis une piste qui part de Quenza ou bien entendu par les sentiers Mare a Mare. Les mots me manquent pour l’instant car comme je l’aime ce plateau… Ce sont les corses de la région qui vous en parleront le mieux. Demandez par exemple aux gardiens des refuges de Paliri et d’Asinao… L’hiver on peut y faire du ski de fond quand la neige est au rendez-vous (cette année il y en a eu jusqu’en avril !) et au printemps c’est un éblouissement des sens ! La flore et les paysages sont je crois uniques en Méditerranée… Cela fait étrangement penser à l’Ecosse ou à l’Irlande.


          *


Troisième étape : la petite fée doit retrouver son pays. La mule se retransforme en mulet, mais un mulet qu’elle a enchanté pour la suite de son vagabondage… Elle l’accompagnera  par la pensée et reviendra bientôt…

De Quenza je continue ma route sur le Da Mare a Mare sud. Le bonheur de découvrir l’intérieur de cette belle région si verte de la Corse, l’Alta Rocca.
Le GR20 n’en donne en aucun cas une idée complète… comme pour toutes les régions qu’il traverse. Je pense qu’il faut absolument faire des sentiers de pays pour découvrir cette île… Et on a le bonheur de passer dans les villages, de pouvoir rencontrer des corses… Et il y a très peu de monde sur ces chemins fabuleux ! Mais attention, ils ne sont pas toujours si faciles et les étapes peuvent être longues…
Le ruisseau Saint Antoine où une méditation de deux jours et deux nuits me rendent la joie au cœur pour la suite de ma marche.
Sites préhistoriques de Cucuruzzu et de Capula. Troublants, intenses. Les hommes vivent depuis bien longtemps sur l’île… Et on y sent une spiritualité très forte.
Levie, le gros bourg de la région.
Carbini, la chapelle est divine. Une des plus belles en Corse.
Bivouac au dessus de la ville. Un très beau coucher de soleil à travers le maquis…
Le col de Mela
Cartalavone
L’Ospedale
Fin du Da mare a mare jusqu’à Porto Vecchio.
Bivouac près de la ville au bord de la rivière Bala.

Car jusqu’à Ghisonaccia où j’avais rendez-vous avec Gilbert Vittori, agent du Parc qui travaille au service patrimoine à la réintroduction du cerfs de Corse dans sa région le Fiumorbu et sur la plaine orientale. Tout se passe bien d’après lui et l’avenir de l’espèce est assuré. Quel bonheur car l'animal est somptueux...  Et j'en sais quelque chose car je les ai étudiés avec passion pendant deux ans...
Bivouac près de la ville au bord du Fiumorbu, une rivière sereine et gracieuse…

Car jusqu’à Bastia pour continuer ma marche dans le nord de la Corse. Adieu mon sud chéri…


        *


Quatrième étape : le mulet décide de se retransformer en mule mais cette fois non par enchantement mais par une méthode empirique grâce à son expérience acquise. 

Bastia. Une très belle ville qui a gardé son âme, je trouve. Je ne dirais pas la même chose à propos d’Ajaccio ou de Calvi…
Les grands moyens ! Je remplis avec une certaine euphorie gloutonne un grand sac poubelle pour les gravats. Je ne retiens que ce qui m’est apparu strictement nécessaire jusqu’à maintenant. Le résultat est stupéfiant… 5 ou 6 kg ! (je n’ai malheureusement jamais pu peser, mais je ne peux pas me tromper de beaucoup). Le grand sac noir ébène (que j’ai troué délicatement trois fois pour éviter un champignionisation incontrôlable) rejoint le maquis le long de la voie de chemin de fer. Mon sac pèse maintenant 7 ou 8 kg sans l’eau, ce qui est déjà très bien je trouve ! Mais je ferai mieux la prochaine fois… (voir mon équipement plus bas)

Le divin petit train jusqu’à Lumio. On est pas volé pour le prix du billet… Les paysages sont époustouflants.
Lumio – Calenzana en stop avec Hocène, un des meilleurs  artisans en Corse qui travaille la pierre… Et ils ne sont malheureusement plus que quelques-uns… Si vous êtes intéressé, contactez moi !

Bivouac au-dessus du village. Un très beau coucher de soleil avec la vue sur la baie de Calvi…
Je débute le fabuleux sentier Tra Mare e Monti. Je le conseille à tous. Les vues des cols sur le littoral sont à couper le souffle… Cela a été pour moi un grand bonheur. Mon seul regret a été de ne pas avoir partagé ces instants magiques avec ma petite fée ou avec un ami. Mais je voulais partir seul sur ces chemins et cette solitude fut belle et nourrissante, surtout dans une nature aussi grandiose… Comment s'y sentir seul ?
J’aperçois le départ d’un premier feu près de Calvi. Heureusement il n’est pas de mon côté…
Bonifatu
Tuarelli
La très belle rivière Fangu, une des plus belles en Corse.
Galéria
Bivouac au-dessus du village. Un très beau coucher de soleil avec la vue sur le golfe de Galéria.

Puis la plus belle étape du sentier, sublime ! Je vous la conseille vivement ; vous ne l’oublierez jamais…
Galéria – Girolata – Bocca a Croce (possibilité de récupération par une voiture de chaque côté)
Les vues sur le littoral et notamment sur la réserve de Scandola sont… je n’ai pas les mots !
Il faudrait demander à un balbuzard amoureux et insouciant, ou mieux à un de ces vieux chênes verts qui poussent sur les cols au milieu des rochers. Le mieux est de s’asseoir près de lui et de l’écouter chanter avec le vent. Il vous racontera l’histoire de la Corse mieux que personne…

Ensuite le sentier continue jusqu’à Porto puis Cargèse mais j’ai fait du stop car je me suis tout d’un coup senti très fatigué ; j’ai toujours voulu garder pendant cette marche une grande liberté, la liberté de me reposer quand j’en avais besoin, la liberté de ne pas trop forcer sur mon organisme… Peu de sommeil (mes bivouacs dans le maquis n’étaient tout de même pas idéaux à ce niveau) et une alimentation minimale (mais suffisante je pense pour tenir des mois en maigrissant sainement !).

Donc stop jusqu’à Porto, direct avec 5 minutes d’attente ; les dieux ont décidément toujours été avec moi pendant ce vagabondage ! Deux jours de repos avec une excursion à la Réserve Naturelle de Scandola, sublimissime… Elle a été classée patrimoine mondiale de l'humanité par l'Unesco.

Si le refuge de Paliri est un terrain sacré alors... cette réserve est le jardin privé du grand esprit ! On pourrait même dire son atelier, car le grand esprit y a déployé un génie créatif inouï. Après avoir bu ou fumé je ne sais quoi (d'ailleurs il faudra que je lui demande un jour, à moins que la méditation ai été sa seule préparation ?) il a fait naître dans ce jardin entre la mer et la montagne des mondes fantastiques dont les millions de couleurs et de formes tourbillonnent dans un ballet vertigineux avec les oiseaux, les dauphins et les baleines...

C'est difficile pour moi de vous expliquer ce que je ressens devant ce spectacle. Seuls un poème ou des toiles pourraient s'en approcher un peu. Je vais y penser et demander au grand esprit si la chose est possible ! Je me suis promis de revenir et d'y rester une ou deux semaines cette fois-ci avec un petit canoë, le matériel de plongée, mes huiles et mes aquarelles ! Il faudra donc un très grand canoë, ou un grand radeau ? A moins qu'un ou une mécène veuille bien m'offrir le séjour sur un beau voilier ! L'appel est lancé... Ou ma petite fée peut-elle peut-être s'arranger avec le grand esprit pour ce petit caprice d'artiste ?

Suite de mon vagabondage par le Mare a mare Nord, direction Corte !
Porto – Ota, dix minutes à pied puis en stop via Ota jusqu'à la rivière Porto où le sentier reprend aux Gorges de Spelunca. Je déteste toujours autant le bitume et c'est toujours un plaisir de rencontrer de nouvelles personnes. Quand on est seul on est merveilleusement disponible et on peut développer une très bonne écoute des autres... Je l'ai senti de plus en plus au fur et à mesure de ma marche.
Le pont de Zaglia est un animal étrange et surnaturel commme l'ornithorynque ou le lamentin.
Evisa
Le ruisseau d'Aitone
Puis je perds le sentier et je me retrouve à errer sur le chemin forestier ! En fait cela va m'arriver de plus en plus souvent... La lassitude de suivre l'éternel balisage (indispensable tout de même en Corse car le maquis est impénétrable donc il est difficile d'improviser dans cet univers), ma myopie accrue par la fatigue ou mon alimentation quasi-indouhiste ou tout simplement une recherche de plus grande liberté ?
Donc j'attéris sur la route et stop jusqu'au Col de Vergio. Un Jésus d'une stature étrangement égypsienne y trône. Je savais que Jésus était allé en Inde (c'est probablement pourquoi Thomas a suivi la même route après sa mort) mais je ne savais pas qu'il était aussi parti marcher en Egypte ! Je comprends mieux maintenant certaines choses... Marie-Madeleine aurait-elle été une belle esclave noire egypsienne qu'il aurait aidé à s'échapper ? Pour quelles raisons obscures ? Je vais attendre une nouvelle sculpture corse pour y voir plus clair...
Albertacce
Bivouac près du village au bord du lac et d'un petit ruisseau, le très grand luxe !
Calacuccia - Corte en stop. Je voulais le faire à pieds par les montagnes puis les gorges du Tavignano mais j'ai eu le présentiment qu'il m'arriverait de graves ennuis sur ce sentier. Je pense que quand on marche (et dans la vie en général, la marche en est une merveilleuse métaphore...) il ne faut écouter que son intuition et se laisser influencer le moins possible par les lavages de cerveaux de la société et par les jugements des autres... L'intuition, rien que l'intuition. Tout y est. J'ai pris ma décision en deux secondes, sans penser, en regardant la montagne qui arrivait. Je suis certain que c'était la bonne décision.

Corte, trois ou quatre jours. Repos, méditation, écriture, errance. Le bonheur et la mélancolie par intermittence ! Ma petite fée est si loin de moi... Elle me manque tant pour écouter pousser les rochers dans le maquis. Vous savez qu'ils sont comme les champignons ! Ils poussent tous les sept ans de petits cris perçants qui ressemblent beaucoup aux bébés de la hyène brune du Kalahari... Puis ils découvrent quelques centimètres de chair laiteuse. En Corse plus qu'ailleurs on peut avoir la chance d'assister à cet accouchement granitique typiquement méditerranéen.

Le premier soir marquait la fin du congrès des nationalistes près du stade. Les irlandais et les basques étaiant malheureusement déjà partis la veille. Une certaine tension dans l'air. Je comprends leur amour de l'île et leur souffrance pour leurs frères en prison, mais je garde toujours mes distances quand il s'agit de nationalisme. Je suis un citoyen du monde né en Afrique. La terre est ma mère et seul le grand esprit est mon guide !


         *

Suite et fin de mon vagabondage bientôt… Suspens…
Mon équipement, mes réflexions ?…  roll

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Dernière modification par laurent (2005-08-29 04:04:33)


Mes 29 jours de vagabondage en Corse sont sur le Trombinoscope... laurent bavella
Et que vos cœurs d'envolent comme des faucons !

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#12 2005-08-25 18:59:59

laurent
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Re: laurent bavella

L'Homme Juste

Le Juste restait droit sur ses hanches solides :
Un rayon lui dorait l'épaule ; des sueurs
Me prirent : "Tu veux voir rutiler les bolides ?
Et, debout, écouter bourdonner les fleurs
D'astres lactés, et les essaims d'astéroïdes ?

"Par des farces de nuit ton front est épié,
0 juste ! Il faut gagner un toit. Dis ta prière,
La bouche dans ton drap doucement expié ;
Et si quelque égaré choque ton ostiaire,
Dis : Frère, va plus loin, je suis estropié !"

Et le Juste restait debout, dans l'épouvante
Bleuâtre des gazons après le soleil mort :
"Alors, mettrais-tu tes genouillères en vente,
0 Vieillard ? Pèlerin sacré ! Barde d'Armor !
Pleureur des Oliviers ! Main que la pitié gante !

"Barbe de la famille et poing de la cité,
Croyant très doux : ô cœur tombé dans les calices,
Majestés et vertus, amour et cécité,
Juste ! plus bête et plus dégoûtant que les lices !
Je suis celui qui souffre et qui s'est révolté !

"Et ça me fait pleurer sur mon ventre, ô stupide,
Et bien rire, l'espoir fameux de ton pardon !
Je suis maudit, tu sais ! Je suis soûl, fou, livide,
Ce que tu veux ! Mais va te coucher, voyons donc,
Juste ! Je ne veux rien à ton cerveau torpide !

"C'est toi le Juste, enfin, le Juste ! C'est assez !
C'est vrai que ta tendresse et ta raison sereines
Reniflent dans la nuit comme des cétacés !
Que tu te fais proscrire, et dégoises des thrènes
Sur d'effroyables becs de canne fracassés !

"Et c'est toi l'œil de Dieu ! le lâche ! Quand les plantes
Froides des pieds divins passeraient sur mon cou,
Tu es lâche ! 0 ton front qui fourmille de lentes !
Socrates et Jésus, Saints et Justes, dégoût !
Respectez le Maudit suprême aux nuits sanglantes !"

J'avais crié cela sur la terre, et la nuit
Calme et blanche occupait les Cieux pendant ma fièvre.
Je relevai mon front : le fantôme avait fui,
Emportant l'ironie atroce de ma lèvre...
- Vents nocturnes, venez au Maudit! Parlez-lui !

Cependant que, silencieux sous les pilastres
D'azur, allongeant les comètes et les nœuds
D'univers, remuement énorme sans désastres,
L'ordre, éternel veilleur, rame aux cieux lumineux
Et de sa drague en feu laisse filer les astres !

Ah ! qu'il s'en aille, lui, la gorge cravatée
De honte, ruminant toujours mon ennui, doux
Comme le sucre sur la denture gâtée.
- Tel que la chienne après l'assaut des fiers toutous,
Léchant son flanc d'où pend une entraille emportée,

Qu'il dise charités crasseuses et progrès...
- J'exècre tous ces yeux de Chinois [à be]daines,
Mais qui chante : nana, comme un tas d'enfants près
De mourir, idiots doux aux chansons soudaines :
0 Justes, nous chierons dans vos ventres de grès !

Juin 1871

Arthur Rimbaud

Dernière modification par laurent (2005-08-25 19:06:06)


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#13 2005-08-27 17:37:32

laurent
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Re: laurent bavella

Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud!

Tes dix-huit ans réfractaires à l'amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de Paris ainsi qu'au ronronnement d'abeille stérile de ta famille ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents du large, de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine. Tu as eu raison d'abandonner le boulevard des paresseux, les estaminets des pisse-lyres, pour l'enfer des bêtes, pour le commerce des rusés et le bonjour des simples.

Cet élan absurde du corps et de l'âme, ce boulet de canon qui atteint sa cible en la faisant éclater, oui, c'est bien là la vie d'un homme! On ne peut pas, au sortir de l'enfance, indéfiniment étrangler son prochain. Si les volcans changent peu de place, leur lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses plaies.

Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud! Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi.

René Char

Fureur et mystère, 1962


   ***


J'habite une douleur

Le poème pulvérisé (1945-1947)

Ne laisse pas le soin de gouverner ton coeur à ces tendresses parentes de l'automne auquel elles empruntent sa placide allure et son affable agonie. L'oeil est précoce à se plisser. La souffrance connaît peu de mots. Préfère te coucher sans fardeau: tu rêveras du lendemain et ton lit te sera léger. Tu rêveras que ta maison n'a plus de vitres. Tu es impatient de t'unir au vent, au vent qui parcourt une année en une nuit. D'autres chanteront l'incorporation mélodieuse, les chairs qui ne personnifient plus que la sorcellerie du sablier. Tu condamneras la gratitude qui se répète. Plus tard, on t'identifiera à quelque géant désagrégé, seigneur de l'impossible.

Pourtant.

Tu n'as fait qu'augmenter le poids de ta nuit. Tu es retourné à la pêche aux murailles, à la canicule sans été. Tu es furieux contre ton amour au centre d'une entente qui s'affole. Songe à la maison parfaite que tu ne verras jamais monter. A quand la récolte de l'abîme? Mais tu as crevé les yeux du lion. Tu crois voir passer la beauté au-dessus des lavandes noires...

Qu'est-ce qui t'a hissé, une fois encore, un peu plus haut, sans te convaincre?

Il n'y a pas de siège pur.

René Char


    *
   

Le terme épars

Si tu cries, le monde se tait: il s'éloigne avec ton propre monde.

Donne toujours plus que tu ne peux reprendre. Et oublie. Telle est la voie sacrée.

Qui convertit l'aiguillon en fleur arrondit l'éclair.

La foudre n'a qu'une maison, elle a plusieurs sentiers. Maison qui s'exhausse, sentiers sans miettes.

Petite pluie réjouit le feuillage et passe sans se nommer. Nous pourrions être des chiens commandés par des serpents, ou taire ce que nous sommes.

Le soir se libère du marteau, l'homme reste enchaîné à son coeur.

L'oiseau sous terre chante le deuil sur la terre.

Vous seules, folles feuilles, remplissez votre vie.

Un brin d'allumette suffit à enflammer la plage où vient mourir un livre. L'arbre de plein vent est solitaire. L'étreinte du vent l'est plus encore.
Comme l'incurieuse vérité serait exsangue s'il n'y avait pas ce brisant de rougeur au loin où ne sont point gravés le doute et le dit du présent. Nous avançons, abandonnant toute parole en nous le promettant.

René Char

Le Nu perdu et autres poèmes (1964-1975)


***


Allégeance

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima?

Il cherche son pareil dans le voeu des regards. L'espace qu'il parcourt est ma fidélité. Il dessine l'espoir et léger l'éconduit. Il est prépondérant sans qu'il y prenne part.

Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s'inscrit son essor, ma liberté le creuse.

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n'est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l'aima et l'éclaire de loin pour qu'il ne tombe pas?

René Char

(1907-1988)

http://www.pierdelune.com/char2.htm

http://www.evene.fr/celebre/biographie/ … ar-199.php (1ère citation idiote ; voir le reste)

Dernière modification par laurent (2005-08-27 18:02:47)


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